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La rivière Anderson - Territoires du Nord-ouest

Rivière Anderson expédition canoë
Rivière Anderson expédition canoë

Rivière Anderson

Qui n’a jamais rêvé de s’identifier aux premiers trappeurs qui ont pénétré la forêt boréale canadienne en quête d’un autre monde ? Ils sont partis à l’aventure dès le XVIIe siècle pour installer de nouvelles colonies dans des conditions de survie les plus précaires. Ils ne savaient pas trop ce qui pouvait les attendre, entre les rigueurs du climat, l’isolement et les peuples autochtones qu’ils allaient rencontrer.


Pour notre part, pas d’interrogation  nous savions ce qui nous attendait. Le XXIe siècle est porteur de moins de découvertes, la cartographie et les outils internet sont passés par là, mais l’aventure demeure la même, encrée au coeur de notre imaginaire.


Nous nous préparons à descendre la rivière Anderson jusqu’à l’océan arctique. Cette rivière se trouve dans les Territoires du Nord au delà du cercle arctique. Elle est située sur les terres des indiens Gwich’in au milieu de nulle part. Elle se jette dans la baie de Liverpool à l’est du delta du MacKenzie. Son cours inférieur était jadis habité par des Inuits, qui furent décimés par une épidémie de scarlatine en 1865. Au cours des années 1860, la Compagnie de la baie d'Hudson exploitait un poste de traite à l'embouchure de la rivière.


Pour rejoindre cette rivière nous partirons d’Inuvik et nous nous ferons déposer sur un lac d’où émerge la rivière Wolverine que nous descendrons durant 5 jours avant d’arriver sur la Anderson. Nous sommes huit pour cette expédition dans les paysages grandioses de la forêt boréale et de la toundra arctique.


A peine arrivés à l’aéroport d’Inuvik après 2 jours de voyages éreintants, nous prenons la direction de la base des hydravions, à 10 km. Avec Jean-Marc, nous faisons un aller-retour rapide à Inuvik pour récupérer les sacs de nourriture avant d’embarquer vers notre destination.
Nous sommes début août,  le jour est toujours présent 24/24h même si le soleil est passé sous l’horizon pour quelques courtes heures depuis fin juillet. Cette aubaine nous permet de profiter pleinement de la journée et de nous faire déposer autour de 23h sur le lac d’où part la rivière Wolverine.


Nous montons le campement tout en profitant du coucher de soleil aux couleurs pastel qui se reflète avec une douce harmonie sur une eau d’un calme reposant. Les plaintes des plongeons arctiques brisent de temps à autre le calme qui recouvre la forêt.  C’est presque un sacrilège de regagner le duvet pour tenter de récupérer d’une journée de plus de 24h d’activités non-stop depuis notre départ de Whitehorse. Une nuit réparatrice nous permettra de savourer pleinement les premiers jours de la descente de la Wolverine.

 

 dépose en hydravion sur rivière anderson

Dépose en hydravion

Rivière Anderson canoë

Rivière Wolverine

Rivière Anderson canoë

Rivière Wolverine

Rivière Anderson canoë

Accostage pour campement

Il est 8h ce matin, les canoës sont à l’eau avec leur chargement. Les autochtones amérindiens en ont fait un excellent moyen de circulation dans les zones les plus reculées et les plus inaccessibles. Les forêts boréales sont parfois impénétrables et le canoë est le moyen le plus adapter pour  d’emprunter en toute quiétude les voies naturelles tracées par les cours d’eau.


Le départ est donné dans un calme plein de retenue. Nous faisons corps avec notre embarcation en prenant la direction de la rivière Wolverine qui ne fait pas plus de 5 à 6 mètres de large à la sortie du lac. Nous sommes partis pour un voyage à sens unique nous menant dans le delta de la Anderson, sanctuaire pour les oiseaux venus se rassasier de lumière du jour continuelle et de nourriture à profusion.


Quelques centaines de mètres suffisent à prendre le rythme du coup de pagaie. A deux par embarcation, chacun brasse l’eau de son côté. Celui à l’avant fait office de propulseur tandis que celui à l’arrière en plus de la propulsion assure le rôle de gouvernail pour maintenir l’embarcation en ligne droite dans la mesure du possible.


Les berges assez hautes par rapport à notre embarcation sont proches de nous et nous naviguons à la queue leu leu durant les premiers jours. Conifères, bouleaux, aulnes, saules arctiques représentent les essences les plus importantes de la forêt boréale. On y trouve également tous les arbustes à baies dont raffolent les animaux : myrtilles, camarines noires et canneberges naines. A l’approche de l’océan arctique, il ne restera guère plus qu’une végétation rase et quelques saules nains qui recouvreront à peine la toundra.


Progresser en canoë dans la taïga représente le rêve à l’état pur. A chaque lacet de rivière nous nous attendons a croiser les habitants de lieux, caribous, orignaux, loups, grizzlis et bien d’autres encore. Notre imaginaire nous fait entrer dans la peau des premiers colons qui partaient dans une odyssée avec le fol espoir d’installer de nouveaux comptoirs et d’effectuer du troc avec les autochtones. Ils s’engageaient dans ce fouillis végétal sans savoir ce qui les attendait et sans savoir s’ils reviendraient.


La rivière se prélasse au milieu de la végétation, un faible courant nous oblige à pagayer sans cesse mais en respectant le silence qui nous entoure. A cette époque de l’année il n’est pas rare d’avoir une météo conciliante avec de longues périodes de calme et de retenue. Nous approchons de l’automne et l’arctique amorce une transition avant l’arrivée de l’hiver.


A chaque campement que nous installons nous observons une multitude de traces d’animaux qui nous incitent à la plus grande prudence. Nous identifions celles de grizzlis, de loups, parfois de carcajous sans compter celles, très nombreuses, des caribous et des orignaux. Des laissées récentes d’ours montrent à quel point leur alimentation et faite majoritairement de baies qui sont parfois à peine digérées. Une fois le diner préparé, nous éloignons les sacs de nourriture suffisamment loin des tentes ou, lorsque nous le pouvons, nous les suspendons à des arbres pour ne pas être à la merci des grizzlis nombreux dans les territoires du nord ouest.


A certains endroits nous remarquons les effets déjà présents des modifications climatiques. Des pans entiers de collines s’effondrent et glissent vers la rivière, laissant apparaître le permafrost à l’air libre. Un fois dépourvu de la protection de sa fine couche de sédiments qui le recouvre, les rayons du soleil présents 24 sur 24 durant les 3 mois d’été accélèrent la fonte, libérant du méthane (gaz à effet de serre) dans l’atmosphère. Ce qui n’est guère réjouissant pour les décennies qui arrivent.


L’atmosphère est propice à la méditation, le silence règne en maitre. Seul le bruit de nos pagaies dans l’eau est perceptible. Nous glissons en silence sur l’onde qui nous transporte à un rythme de sénateur vers l’océan arctique.

Rivière Anderson expédition canoë

Rivière Anderson

Rivière Anderson expédition canoë

Rivière Anderson

Rivière Anderson expédition canoë

Caribous

Rivière Anderson expédition canoë

Grizzlys

Rivière Anderson expédition canoë laurent Coppin

Ecureuil gris

Rivière Anderson expédition canoë

Caribous

Après une semaine de navigation sur la Wolverine nous entrons sur la Carnwath, une rivière qui se jette 3 à 4 km plus en aval dans la rivière Anderson, l’objectif de notre expédition. L’horizon se débouche, le courant accélère, le débit s’intensifie. Le lit de la Anderson atteint par endroit les 100 mètres de large, voire plus.

 

Jusqu’à présent la faune s’est montrée très discrète. Quelques Pygargues du haut de leurs perchoirs ont assisté au passage du cortège avec beaucoup d’indifférence. Une chouette épervière est venue nous saluer à quelques mètres du premier canoë avant de se  perdre dans l’enchevêtrement d’arbres.


Tout aurait été parfait si nous n’avions pas eu le plus terrible des prédateurs de la forêt boréale et de la toundra : le midge ! Insecte féroce qui vous découpe la peau petit bout par petit bout. Il vous empêche de vous nourrir normalement et vous mène une guerre sans merci malgré les moustiquaires et produits répulsifs. Les midges aiment l’humidité et une chaleur toute relative. Les premières gelées nocturnes vont être notre allier le plus sûr pour la suite de l’expédition.  
Il est difficile de retranscrire par les mots les émotions qui nous animent lors d’une descente de rivière dans le grand nord. Une sorte d’euphorie divine nous maintient éveillés même la nuit. Nous ne voulons manquer aucun instant dans ce paradis infini.


Nos yeux continuent de sonder les berges à la recherche du moindre signe et indice de présence animale. Et contre toute attente, c’est au milieu de la rivière que nous allons rencontrer nos premiers caribous. Ils sont une petite dizaine à traverser à une bonne centaine de mètres de la première embarcation. Pas question d’affoler les animaux, nous arrêtons de pagayer et nous nous laissons glisser tranquillement portés par un courant qui nous laisse dériver paisiblement vers le petit troupeau. Lorsque nous arrivons à leur hauteur, ils sont déjà sur l’autre rive sans montrer le moindre signe d’inquiétude ou de stress. C’est le début de la migration vers leur zone d’hivernage, nous somme mi-août.


Les caribous que nous rencontrerons font partie de la harde de la Bluenose Ouest et hivernent autour du lac du même nom à l’est du Parc Tuktuk Nogait. Comme tous les caribous du Canada la population est un déclin. Ce phénomène est lié en grande partie aux modifications climatiques avec les pluies verglaçantes qui tombent de plus en plus fréquemment et qui les empêchent de se nourrir en recouvrant les lichens d’une couche de glace. Des étés beaucoup plus chauds et une activité humaine de plus en plus présente dans les zones de mise bas contribuent également à la diminution des vastes hardes d’antan.   

Rivière Anderson expédition canoë
Rivière Anderson expédition canoë

Collines colorées résultat de la combustion de lignite

Rivière Anderson expédition canoë
Rivière Anderson expédition canoë

La Anderson nous offre des bivouacs de rêve où la contemplation se mêle à l’émerveillement. Depuis les hauteurs du campement nous observons sans relâche la rivière, fascinés par ces étendues vierges à perte de vue. Les couleurs chatoyantes commencent à recouvrir la végétation. Nous sommes le 20 aout et déjà l’automne approche à grands pas sous ces latitudes. Les arbres ont disparu pour laisser place à des épinettes rabougries tandis que les buissons de camarines et myrtilles se parent d’un rouge éclatant. Nos efforts sont récompensés, nous sommes sous le charme de ces paysages authentiques, vierges de toute trace humaine.


Au fil de la descente nous apercevons de temps à autres des cabanes qui servent d’abri à des trappeurs où peut-être à des ermites en quête de méditation. Isolées du monde elles sont les derniers repaires d’une colonisation menée par des aventuriers du début du XX siècle.


A la sortie d’un lacet, au loin notre regard est attiré par de curieuses collines parées de couleurs pastel tirant vers le jaune et rouge et par endroit quelques traces vertes apparaissent sur leurs flancs. Ces couleurs sont le résultat de la combustion de lignite qui s’est cristallisée pour laisser la place à des couches de minerais tels que le fer, le souffre, le manganèse. Ce phénomène sera encore plus impressionnant  sur la rivière Horton que nous descendrons quelques années plus tard. Nous avons décidé d’établir notre campement à cet endroit et d’en explorer tous les recoins.


C’est la toundra qui prédomine maintenant et du haut de ces collines colorées nous mesurons encore plus l’étendue des paysages qui s’étalent devant nous. La végétation se pare de couleurs chaudes et intenses qui vont du rouge au jaune d’or en passant par de l’orange vif. Ce merveilleux spectacle de l’automne qui s’installe prélude à l’hiver blanc qui recouvrira toute la vie.

 

Rivière Anderson expédition canoë laurent Coppin
Rivière Anderson expédition canoë laurent Coppin

La toundra se pare de couleurs chatoyantes

Rivière Anderson couleurs de l'automne
Rivière Anderson couleurs de l'automne
Rivière Anderson couleurs de l'automne
Rivière Anderson couleurs de l'automne

Nous approchons du delta et du sanctuaire où viennent se reproduire des centaines de milliers d’oiseaux durant le court été arctique. Cette zone protégée couvre une surface de 108000 hectares. Le delta offre de vastes aires d’alimentation aux bécasseaux, aux pluviers, aux phalaropes et à d’autres limicoles. La présence de buissons de camarines, myrtilles et saules nains attirent de nombreuses espèces de passereaux, notamment les parulines, les grives, les hirondelles et les bruants. On peut également observer des petites oies des neiges, des bernaches du canada, des grues du canada, des eiders à tête grise, des cygnes siffleurs, des pluviers bronzés, des faucons gerfauts et pèlerins et bien d’autres espèces spécifiques à l’Amérique de Nord.


Dans le dédale de bras du delta, nous hésitons sur le chemin à prendre pour rejoindre l’endroit où nous serons récupérés par les hydravions, c’est pourquoi le GPS se montre indispensable. Sur la rive un phoque barbu se prélasse tout en nous observant. Le barbu est un phoque de belle taille, il peut mesurer jusqu’à 2,50 mètres et peser près de 200kg.


Nous sommes enfin au lieu de rendez vous. Ce sera notre dernier campement. Entre joie et tristesse nous fêterons dignement cette aventure autour d’un dernier feu de camp sous un ciel étoilé où viendront danser quelques fugaces aurores boréales en signe d’adieu.


Nous avons su profiter de cette nature apaisante où la contemplation s’est mêlée étroitement à la méditation. Prendre le temps de savourer chaque instant au rythme du canoë qui glisse sans un bruit sur l’onde bienveillante, c’est ce qui fait défaut dans notre monde effréné.

Rivière Anderson expédition canoë

Pluvier doré

Rivière Anderson expédition canoë

Cygnes siffleurs

Rivière Anderson expédition canoë

Mouette ivoire

Rivière Anderson expédition canoë

Bruant lapon femelle

Rivière Anderson expédition canoë

Faucon pélerin

Rivière Anderson expédition canoë

Phoque barbu

Photos de l'Expédition

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